Le canton de Vaud dispose depuis 2011 d'un système cantonal de rente transitoire. Il permet aux personnes en fin de droit d'atteindre l'âge de l'AVS sans devoir demander l'aide sociale ou réduire considérablement leurs futures rentes.
Dossier

Une transition accompagnée de l’aide sociale à la retraite

02.12.2024
4/24

La Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a lancé un projet agile et participatif en 2022 afin de mieux accompagner les bénéficiaires de l'aide sociale dans leur transition vers la retraite. Le projet se concentre principalement sur une plus grande anticipation et donc une meilleure préparation de la transition vers les régimes de retraite.

Le vieillissement de la population représente un défi important pour les années à venir. Selon Statistique Vaud, dans le canton de Vaud, d'ici à 2040, une personne sur cinq aura 65 ans ou plus et le nombre de personnes de plus de 80 ans va doubler. Pour répondre à ce défi, le Département de la santé et de l'action sociale (DSAS) a mis en place une nouvelle politique cantonale de la vieillesse : Vieillir 2030. C’est dans ce contexte que s’inscrit le projet-pilote « RI-Retraite » qui vise à mieux accompagner les bénéficiaires du revenu d’insertion (RI, l’aide sociale vaudoise) dans leur transition vers les régimes de retraite.

À l’approche de la retraite, les bénéficiaires de l’aide sociale se trouvent à la croisée de deux vulnérabilités : d'une part, la précarité économique et sociale, et d'autre part, les défis liés au vieillissement. Ce public cumule les facteurs de risques propices à une détérioration de leur état de santé avec l’âge. Dans le canton de Vaud, plus de 300 personnes par année effectuent ce changement de régime. Très concrètement, cette transition implique des changements administratifs et pratiques comme la reprise en charge du paiement des frais médicaux et la gestion des remboursements avec son assureur. L’expérience montre qu’elle engendre souvent du stress et de l'incertitude. La sortie du RI comme, plus généralement, les transitions entre plusieurs régimes sociaux représentent des moments charnières qui nécessitent une attention particulière.

Le canton de Vaud est doté depuis 2011 d’un dispositif cantonal de rente-pont. Il permet aux personnes ayant épuisé leur droit aux indemnités de l’assurance-chômage d’atteindre l’âge AVS sans devoir recourir à l’aide sociale ou devoir réduire leurs futures rentes de manière significative. Ce dispositif est également ouvert aux bénéficiaires du RI, dès l’âge de 61 ans ; il permet alors de régler financièrement la période de transition entre l’aide sociale et l’ouverture du droit à une rente de l’AVS.

Toutefois, en ce qui concerne l’aide personnelle (aide au logement, gestion administrative, recours aux prestations de soin), il n’existe pas de processus standardisé. La personne bénéficiant de l’aide sociale peut requérir, si elle en a besoin, le soutien d’une assistante sociale. Cependant, au moment de la sortie du RI, notamment pour obtenir une rente-pont, il n’existe ni évaluation systématique du besoin en aide personnelle, ni de processus clair de mise en lien avec des prestataires aptes à prendre le relais. Cette lacune peut accentuer l'isolement et la vulnérabilité de ces personnes. Consciente de cette réalité, la DGCS a lancé le projet-pilote « RI-Retraite » en 2022. Ce projet se veut agile et participatif.

La participation des personnes concernées, une valeur ajoutée

La DGCS souhaitait inclure une dimension participative à ce projet, en intégrant l’expérience du public concerné dans la conception de cet accompagnement spécifique afin d'être au plus proche de leurs besoins. Pour ce faire, une quinzaine d’anciens bénéficiaires de l’aide sociale ont été réunis pour partager leurs expériences lors du passage à la retraite et ont proposé des pistes de réflexion pour résoudre les problématiques rencontrées.

Cette dimension participative est une réelle valeur ajoutée au projet car elle a permis de répondre de manière concrète aux besoins exprimés. Par exemple, l’un des points relevés par ce groupe d’anciens bénéficiaires était le manque d’informations sur les conditions de vie une fois à la retraite. Par conséquent, l’accent a été mis sur l’accès à l’information sous différentes formes.

Par ailleurs, la construction du projet impliquant des experts du vécu a été riche d’enseignements sur la méthodologie participative. Le constat principal est que la mise en œuvre de ce type de démarche demande du temps en amont du déploiement du projet et une expertise du sujet. Le programme national de lutte contre la pauvreté a accompagné cette phase grâce au soutien de deux expertes en méthodologie participative. Cette thématique est davantage développée dans un rapport rédigé pour la Plateforme nationale de lutte contre la pauvreté.

En plus de la participation du public concerné, ce projet a été coconstruit avec les professionnels de terrain en lien avec les bénéficiaires. Ce projet s’est voulu également agile, notamment grâce à son déploiement en deux temps. Avec tout d’abord, une phase de test dans deux régions du canton afin d’obtenir des retours réguliers des professionnels et de pouvoir adapter les outils proposés au fur et à mesure. Dans un second temps, à partir du moment où le processus aura été jugé comme suffisamment robuste, une généralisation à l’entier du canton sera envisagée.

Assurer une transition sereine

À la suite de cette phase de conceptualisation qui a impliqué les personnes concernées ainsi que des professionnels, un processus a été défini. Il est actuellement testé sur le terrain dans les régions de la Riviera (Vevey) et de l’Ouest (Nyon). Ce processus implique d’une part une meilleure anticipation et d’autre part la mise à disposition d’informations autour des régimes de retraite.

Un des constats majeurs à l’origine du projet est que la transition entre deux régimes nécessite du temps. Il est donc essentiel d’anticiper cette sortie en identifiant les personnes concernées six mois avant la transition (contre deux mois dans le processus habituel). Cette meilleure anticipation permet ensuite de planifier a minima un entretien systématique avec une assistante sociale pour évaluer les besoins de la personne. Si la personne est suffisamment autonome et ne rencontre pas de difficultés particulières, un entretien peut suffire. En revanche, si la personne a besoin d’un accompagnement plus soutenu alors le professionnel dispose du temps pour soutenir la personne dans les différentes démarches et organiser si besoin les relais appropriés.

Afin de garantir une meilleure information et de mieux appréhender cette nouvelle étape de vie, les bénéficiaires de l’aide sociale ont la possibilité de participer à des cours de préparation à la retraite. Ils permettent de transmettre des informations sur les aspects financiers et administratifs mais également sur les aspects psychosociaux qui représentent un enjeu pour toute personne atteignant l’âge de la retraite. Une cartographie régionale des aides existantes est également remise aux personnes pour qu’elles puissent s’orienter seules dans le dispositif médicosocial selon leurs besoins.

Après près de neuf mois de test, un des grands défis qui demeurent est la difficulté à organiser des relais à la sortie de l’aide sociale. D’une part, les bénéficiaires sont peu demandeurs d’appui ; ils expriment peu de besoins et souhaitent surtout ne plus dépendre de l’aide sociale. D’autre part, ces relais se révèlent difficiles à mettre en place pour ceux qui le souhaiteraient, car les institutions capables de les offrir ont des critères d’accès restrictifs (problématique de santé, âge minimum …) ; il est donc parfois difficile de trouver le bon interlocuteur.

Leçons et défis 

L’intégration des personnes concernées dans l’élaboration du projet a permis de démontrer la plus-value de la méthodologie participative. De plus, elle porte ses fruits au-delà du projet « RI-Retraite » car certains participants ont ensuite été associés à d’autres démarches participatives au niveau cantonal et fédéral.

Concrètement, la mise en place du projet « RI-Retraite » a permis à tous les bénéficiaires de rencontrer une assistante sociale avant de quitter le RI et d’être mieux informés sur les conditions de vie grâce à la rente-pont. L’objectif à terme est donc de pouvoir généraliser cette approche à tout le canton de Vaud et de pouvoir s’appuyer sur cette expérience pour des transitions avec d’autres régimes comme l’assurance-invalidité ou les prestations complémentaires pour les familles.

Enfin, les défis de ce projet se concentrent principalement sur l’organisation des relais à la sortie de l’aide sociale. Partant du constat, que peu de besoins sont exprimés, nous retenons qu’il est essentiel d’apporter le maximum d’informations possibles sur le réseau médicosocial afin que la personne puisse s’orienter efficacement le moment venu. Ce constat incite également à réfléchir à des relais innovants, comme la mise en place des groupes de pairs.

Caroline Jacot
La Poste Suisse SA Santé et affaires sociales, Conseil social