L’intégration est indispensable
Cela fera bientôt dix ans que de nombreuses personnes ont fui in extremis vers l'Europe et notamment la Suisse. Après une longue période marquée par un faible nombre de demandes d'asile, notre pays a subitement été mis à l’épreuve. Cette situation a déclenché à la fois un grand élan de solidarité et une attitude défensive à l'égard de ces réfugiés, issus pour la plupart de pays non européens. En juin 2016, deux tiers des électeurs suisses ont voté en faveur d’une restructuration du domaine de l'asile, qui redéfinissait la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons. Cette réorganisation a permis d’introduire des procédures accélérées, offrant aux demandeurs d'asile le droit à un conseil et à une représentation juridiques gratuits.
Il est rapidement apparu qu'en plus d'accélérer les procédures, il était nécessaire de proposer davantage de mesures d'intégration aux réfugiés et personnes admises à titre provisoire. Début 2017, la CSIAS a lancé dans son document de position « Un emploi au lieu de l'aide sociale » une offensive d'intégration pour l’ensemble de la société, combinée à une augmentation rapide du forfait d'intégration de la Confédération, au développement d’offres de promotion linguistique et d'insertion professionnelle, ainsi qu'à une participation active des milieux économiques.
En 2019, la Confédération et les cantons ont convenu d’un agenda d'intégration commun, définissant des objectifs d'efficacité et des processus contraignants. Parmi les piliers essentiels de cet agenda figurent l'acquisition rapide de la langue, l’évaluation et l’exploitation des potentiels, un accompagnement et un soutien ciblés dans le cadre d'une gestion continue des dossiers, la préparation des jeunes à suivre une formation postobligatoire, l'encouragement et des exigences cohérentes pour accéder à la vie active, ainsi que la familiarisation avec le mode de vie en Suisse.
Depuis cinq ans, les professionnels et autorités des domaines de l'intégration, de l'aide sociale, du marché du travail et de la formation issus de la Confédération, des cantons et des communes collaborent dans le cadre de cet agenda. Les résultats sont tangibles : le taux d'emploi augmente, un plus grand nombre de jeunes suivent une formation et les compétences linguistiques s'améliorent. Cependant, il est évident que l'intégration prend du temps et l’accès au premier marché du travail est semé d'embûches. « L'herbe ne pousse pas plus vite si je tire dessus », rappelait un collègue des services sociaux du canton de Glaris en début d'année dans un article de la ZESO, en se référant à un proverbe africain.
Actuellement, nous observons un important durcissement de la politique migratoire en Europe. L’objectif est de dissuader les personnes en fuite de venir sur notre continent et, si elles passent néanmoins les frontières, de leur faire vivre des conditions de vie aussi restrictives que possible afin de les inciter à repartir. L'intégration ne doit plus passer par l'encouragement, l'accompagnement et le soutien, mais être assortie de sanctions. La réduction drastique des fonds fédéraux alloués aux cantons vise désormais à accélérer l’insertion professionnelle, comme le relève le rapport du groupe d'experts dirigé par Serge Gaillard.
La CSIAS est très préoccupée par l’idée que la voie empruntée par la Confédération et les cantons avec l’Agenda Intégration ne passe à la trappe. Grâce à leur engagement remarquable, les travailleurs sociaux et les spécialistes de l’intégration ont permis à la Suisse de relever ces défis avec succès par rapport à d'autres pays. Aujourd’hui, les investissements dans l'intégration portent déjà leurs fruits et seront encore plus rentables à l'avenir. Il est essentiel de persévérer dans cette voie, car l'intégration est indispensable.