Œuvrer dans un climat de confiance mutuelle
Dans la lutte contre d’éventuelles fraudes en matière de recours à l’aide sociale, le Canton du Valais a mis en œuvre différents outils. Il est bien entendu que le travail social effectué par les Centres médicosociaux (CMS – qui gèrent les dossiers d’aide sociale en Valais) ne s’arrête pas à ces éléments de contrôle. Cependant, les différents outils et procédures exposés ci-dessous permettent aux travailleurs sociaux d’œuvrer dans un climat de confiance mutuelle entre les différents acteurs du domaine et les bénéficiaires eux-mêmes.
Avant de présenter ces éléments de contrôle, il est opportun de rappeler que, dans ce domaine comme dans tout autre domaine régi par une législation, une très large majorité des utilisateurs se comportent correctement et perçoivent en toute légalité et légitimité des prestations des services sociaux. Bien entendu, l’aide sociale n’échappe pas au risque de rencontrer parmi ses bénéficiaires quelques individus qui tentent de contourner le système mis en place. Ce faisant, ceux-ci discréditent la totalité des personnes qui ont droit à des prestations : par leur comportement abusif, ils accroissent la méfiance du public à l’égard du système, méfiance qui tient certainement sa source dans les distinctions historiques entre « bons » et « mauvais » pauvres comme le décrit Robert Castel dans son ouvrage « Les métamorphoses de la question sociale ». Dans ce contexte, contrairement à ce que les détracteurs du fonctionnement d’un service social semblent parfois imaginer, les professionnels de ces services ne sont ni candides ni dupes et les mesures mises en place pour lutter contre d’éventuels abus sont beaucoup plus fermes et efficaces que les représentations que l’imaginaire collectif peut s’en faire.
Les montants alloués à titre d’aide sociale provenant essentiellement des impôts prélevés par les collectivités, il est primordial que les services sociaux apportent un soin tout particulier à ce que les deniers publics soient utilisés judicieusement. C’est pourquoi l’aide sociale est certainement l’une des tâches des autorités où le niveau de contrôle est le plus élevé. De ce fait, le contrôle fait partie des tâches premières des professionnels de l’aide sociale, et cela tout au long du suivi des bénéficiaires. L’objectif central est ici de s’assurer que la bonne prestation soit fournie à la bonne personne, ni plus ni moins.
La récolte de ces preuves formelles
Dès les premières rencontres avec le potentiel bénéficiaire, divers outils sont à disposition des intervenants sociaux, principalement sous la forme de listes de contrôles formels. Ces check-lists répertorient toutes les informations que doivent fournir les personnes qui sollicitent des prestations financières afin de démontrer leur situation d’indigence ou, en d’autres termes, leur manque de moyen financier. La récolte de ces preuves formelles permet de s’assurer que la personne n’a plus ou plus suffisamment de ressources (revenus ou fortune) pour couvrir les besoins de son ménage. D’autres listes visent en parallèle à évaluer que toutes les prestations auxquelles le requérant peut prétendre ont été sollicitées avant que n’intervienne l’aide sociale, puisque cette dernière est subsidiaire à toute autre prestation disponible.
Ces différents outils sont évidemment précieux ; il faut souligner cependant que l’attention portée par les professionnels dans le suivi des bénéficiaires est tout aussi déterminant. À cet égard, les larges connaissances que ces professionnels ont des bases légales régissant l’aide sociale, mais également de nombreuses autres matières apparentées permettent non seulement de verser au bénéficiaire la prestation financière qui est juste, mais également de récupérer des montants non négligeables provenant d’éventuels autres prestataires (assurances sociales, employeurs, tiers …) – ou d’éviter de verser des montants indus. En outre, les rencontres régulières avec les bénéficiaires et la réception de ce que les services sociaux en Valais appellent une déclaration mensuelle de revenus permettent aussi parfois de relever certaines incohérences qui déboucheront ensuite sur la mise en évidence d’une fraude.
Double contrôle
D’autre part, les CMS sont organisés de manière à ce qu’un double contrôle ait lieu sur toute prestation versée à un bénéficiaire. Pour ce faire, les équipes composant les services sociaux peuvent compter sur les compétences pluridisciplinaires des personnes formées au travail social d’une part et, d’autre part, des collaborateurs administratifs ou financiers, chacun étant chargé à son niveau de veiller au principe d’une utilisation scrupuleuse des deniers publics.
Par ailleurs, lorsque les autorités d’aide sociale ou les CMS conçoivent des soupçons d’abus sans avoir cependant les moyens de les démontrer, ils peuvent s’appuyer sur un service d’enquête. Cette tâche est confiée à des inspecteurs spécialisés engagés au sein de l’administration cantonale et œuvrant déjà dans d’autres domaines apparentés où certains contrôles y sont aussi effectués, notamment dans le cadre du travail au noir. Les constats posés après quelques années de pratique démontrent l’utilité d’une telle mesure : ils permettent d’affirmer non seulement que les services sociaux sollicitent des enquêtes approfondies lorsque le besoin se justifie, mais aussi que les moyens mis à disposition dans ce domaine sont pertinents.
Éléments répressifs
N’oublions pas non plus ici les éléments répressifs, tels que le système de réduction de l’aide financière allouée, qui sont également des outils à disposition. Outre les sanctions infligées aux personnes qui n’auraient pas respecté les règles fixées et auraient ainsi touché des prestations indues, ces dispositions contribuent à prévenir des abus.
Enfin, lors de la récente révision de ses bases légales régissant l’aide sociale, le Canton du Valais a renouvelé sa volonté de préserver un lien fort avec le niveau politique local en maintenant le rôle d’autorité de décision joué jusque-là par les communes. Cette organisation s’avère souvent précieuse dans le soutien que les communes peuvent fournir dans l’insertion socioprofessionnelle d’un bénéficiaire domicilié sur son sol. Revers de la médaille de ce type d’organisation, il est parfois nécessaire de s’assurer que la proximité qu’entretiennent les communes avec leurs administrés ne débouche pas majoritairement sur des formes de contrôle social empêchant les bénéficiaires potentiels de solliciter des prestations par crainte d’être stigmatisés.
Corriger cette image trompeuse
Comme vous l’aurez constaté au travers de ces quelques lignes, les éléments de contrôle mis en place dans le domaine de l’aide sociale sont importants. Il est toutefois nécessaire de rappeler en conclusion que l’on ne constate pas plus de fraudes dans ce domaine que dans d’autres champs d’activité de l’État. Pourtant la perception illicite de prestations d’aide sociale fait bien plus souvent la une des journaux que d’autres abus, tels que les malversations fiscales. Si l’on se penche sur la terminologie utilisée dans ces deux cas, les notions d’optimisation fiscale ou de fraudeur de l’aide sociale ne résonnent pas de la même manière dans le discours populaire ; cela impacte fortement négativement l’image que certaines personnes peuvent se faire d’un bénéficiaire de l’aide sociale. À cet égard, formulons l’espoir que l’exercice d’un contrôle crédible puisse corriger cette image trompeuse ; ce faisant, l’acceptabilité générale de l’aide sociale s’en trouvera améliorée, contribuant ainsi à créer une condition nécessaire pour favoriser le retour à l’autonomie des personnes qui doivent y recourir.