L'intégration sociale – une chimère ?
Selon les normes CSIAS (A.2 let. 2), « l'aide sociale permet la participation à la vie économique, sociale, culturelle et politique, et garantit ainsi les conditions d'une existence digne ». Les objectifs de l'aide sociale découlent des droits fondamentaux : la protection de la dignité humaine, le droit à la liberté personnelle, à l'intégrité physique et mentale ainsi qu'à la liberté de mouvement, le droit à la liberté d'expression et d'information et le droit d’obtenir de l'aide dans des situations de détresse (Cst.). La mise en œuvre de ces objectifs est concrétisée par le double mandat d'intégration de l’aide sociale.
Conformément au double mandat d'intégration de l'aide sociale, les offres d'intégration sociale et professionnelle sont toujours présentées en combinaison et en interaction mutuelles. En effet, l'objectif premier de l'aide sociale est d'aider les bénéficiaires à améliorer durablement leurs conditions de vie (CSIAS A.2). La stabilisation de la situation de vie et de la santé est à ce titre une préoccupation centrale. Pour atteindre cet objectif, l’accent doit être mis sur les ressources et la capacité des personnes concernées à mener une vie autonome. Leur participation est l’un des facteurs-clés d'une intégration sociale réussie. Le code de déontologie (2010, p. 10) stipule l’obligation de faire participer les clients au développement des mesures d'intégration et de préserver ainsi leur capacité de décision et d'action.
Les offres d'intégration sociale mises à disposition par l'aide sociale doivent donc aller au-delà de la simple exécution d'un mandat d'activation. Elles reposent sur la volonté de permettre à tous les individus de participer à la société et de favoriser leurs chances de réaliser leur potentiel. Dans le chapitre de l'aide personnelle (B.), les normes CSIAS recommandent donc de soutenir les personnes dans des situations de vie éprouvantes par des conseils personnalisés. Cette forme d'aide personnelle doit être fournie en cas de besoin même sans droit à une aide financière (CSIAS B.2 Commentaires a)) et s'applique également aux cantons qui ne la prévoient pas dans leur législation (CSIAS B.1, Commentaires a)). Ce droit découle de l'art. 12 de la Constitution fédérale : « Quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. »
L'intégration sociale requiert du temps et un réseau
Pour les travailleuses et travailleurs sociaux qui doivent faire face à une charge de travail élevée, le mandat d'intégration sociale peut s’apparenter à une chimère. Le quotidien frénétique, les investigations et clarifications, les conseils et tâches administratives pour assurer l’existence financière des clientes et clients prennent souvent le dessus. Comment encourager en plus l'intégration sociale ?
L'approche participative constitue une voie praticable, en soutenant les ressources individuelles et sociospatiales des personnes concernées. Comme le montrent les exemples présentés dans ce focus de la ZESO, l'aide sociale ne doit pas être la seule à agir, elle peut aussi mobiliser des ressources endormies ou oubliées. En effet, l’aide sociale peut coordonner ses offres d'intégration sociale en coordination avec les ressources de la collectivité. Les structures sociospatiales, familiales et privées existantes sont activées. La coordination avec des tiers (CSIAS A.3 Commentaires g)) appelée collaboration interinstitutionnelle (CII) constitue aussi une ressource-clé qu'il convient d'exploiter. La collaboration avec différents services administratifs et institutions génère non seulement des synergies, mais permet aussi de mieux comprendre le mandat d'intégration de l'aide sociale. Cette gestion active des interfaces et du réseau sociospatial est une tâche qui incombe aux responsables des services sociaux et autorités sociales.
Dégager de la place pour le conseil
Une autre approche, sur laquelle les travailleuses et travailleurs sociaux ont certes moins d’influence, est celle de la gestion prudente des dossiers et d'une réduction de la charge de travail (nombre de dossiers par travailleuse/travailleur social). Comme l'ont montré « l'étude de Winterthur » de la ZHAW et le rapport d'évaluation ultérieur du bureau BASS, la réduction de la charge de travail des travailleuses et travailleurs sociaux resp. la hausse des effectifs a permis de réduire les dépenses par dossier dans l'aide sociale. À première vue, il s'agit d'une intervention paradoxale, mais qui a justement prouvé qu’il est nécessaire de consacrer davantage de temps aux activités de conseil en vue d’une sortie efficace de l’aide sociale.
Le « retour sur investissement » s’est non seulement traduit par une baisse des dépenses, mais aussi par une plus grande marge de manœuvre et d’action des travailleuses et travailleurs sociaux. Ceux-ci ont constaté qu'ils avaient un meilleur aperçu de la situation de leur clientèle et qu'ils pouvaient donc mieux la conseiller. Le temps dégagé leur a permis de poursuivre les objectifs d'intégration avec les personnes concernées et d’examiner de plus près la situation des bénéficiaires de longue durée. La crainte qu'un taux de sortie plus élevé ne se fasse au détriment de la durabilité n'a pas été confirmée par le rapport d'évaluation du bureau BASS. L'effet dit de « porte tournante » ou la probabilité d’une réadmission après une sortie de l’aide sociale ne divergeait guère entre les groupes de projet et de contrôle.
Tous y trouvent leur compte
Pour l'aide sociale, l'objectif d'une intégration sociale des bénéficiaires doit aller au-delà de son mandat d'activation. Il s'agit de soutenir, de promouvoir et d’offrir des opportunités de développement et de réalisation. L’intégration et la participation sociales constituent en effet un besoin fondamental partagé par tous les êtres humains. Il donne un sens à la vie, favorise la santé, permet de développer des perspectives et de forger des projets d'avenir.
Les offres d'intégration sociale constituent donc une plus-value pour tous :
Les personnes concernées sont évaluées en fonction de leurs ressources et de leurs capacités et participent à la formulation de leurs propres objectifs d'intégration. Elles saisissent ainsi le sens des mesures d'intégration sociale, ce qui leur ouvre la voie vers une participation durable à la société et un développement sain.
Les travailleuses et travailleurs sociaux exploitent leur répertoire professionnel pour développer des offres de conseil adaptées à chaque situation individuelle. L'objectif des mesures d'intégration sociale vise une image positive de l'être humain et la mise en œuvre équilibrée du principe « encourager et exiger ».
Les directives stratégiques des autorités sociales influencent le parcours d'autonomisation et d'épanouissement des personnes concernées. L'objectif des mesures d'intégration sociale est d’améliorer l’état de santé et la stabilité des bénéficiaires, de renforcer la paix sociale et d’assurer une sortie plus durable de l'aide sociale.
« Dans cette perspective, nous devons considérer les personnes concernées comme des acteurs de leur propre destin et leur accorder les marges de manœuvre nécessaires, au lieu de les traiter comme des bénéficiaires passifs de programmes de développement sophistiqués. C'est à l'État et à la société qu'incombe la grande responsabilité d'élargir et de protéger les opportunités d’une réalisation personnelle. »