Le programme de mentoring veut garantir les diplômes d'apprentissage AFP et CFC
Le dispositif d’insertion pour les jeunes du canton de Neuchâtel est en adaptation constante et a connu notamment un changement de paradigme en 2020. Les jeunes se retrouvant en décrochage sont ainsi contactés de manière proactive par les professionnel-le-s concerné-e-s. Dès 2024, une nouvelle entité d’accueil et d’aiguillage va être mise en place. Elle officiera comme porte d’entrée unique pour tous les jeunes en recherche d’une formation et coordonnera l’attribution des mesures d’insertion selon une logique basée sur les besoins des jeunes et plus sur leur statut.
L’apparition du Case Management en Formation Professionnelle (CMFP) en 2006 s’inscrit dans une volonté politique d’accompagner les jeunes en difficultés pour atteindre un taux de 95 % de personnes certifiées du secondaire 2 à l’âge de 25 ans. De nombreux éléments démontrent en effet qu’un tel diplôme constitue un sésame primordial pour faciliter une insertion professionnelle durable et éviter le recours aux prestations sociales. Sur la base d’un programme fédéral incitatif, les cantons ont développé des dispositifs spécifiques adaptés à chaque contexte.
Dans le canton de Neuchâtel, le projet de CMFP a abouti à la création en 2010 de l’Office de l’insertion des jeunes de moins de 35 ans en formation professionnelle (OFIJ), rattaché au Service des formations postobligatoires et de l’orientation (SFPO). L’adoption d’une loi cantonale sur l’insertion en formation professionnelle a formalisé cette structure en 2015.
Le concept de base du CMFP neuchâtelois est de regrouper au sein d’une même entité différentes compétences spécifiques. Il réunit actuellement
- 15 collaborateur-trice-s de l’OFIJ (coachs, coordinatrices et démarcheuses),
- 3 conseiller-ère-s de l’Office cantonal de l’orientation scolaire et professionnelle (OCOSP) et
- une conseillère sociale pour l’insertion des jeunes, appartenant à l’Office cantonal de l’aide sociale (ODAS). Cette dernière personne accompagne tous les jeunes bénéficiaires de l’aide sociale vers un retour dans une formation et a une importance toute particulière pour assurer le lien entre les Services sociaux régionaux, les mesures spécifiques à l’aide sociale et les mesures proposées par l’OFIJ.
- Des collaborations sont également formalisées avec le Centre social protestant et Caritas pour soutenir les jeunes dans les aspects administratifs, financiers et parfois juridiques. Finalement, différents cours de remise à niveau scolaire sont proposés au sein du Centre de formation professionnelle neuchâtelois.
Le regroupement des différentes compétences au sein d’une même entité permet un accompagnement individualisé et flexible par l’activation rapide de telle ou telle mesure (ou de tel ou telle professionnel-le) en fonction de la situation et du moment.
Le soutien proposé vise tout d’abord à soutenir une future entrée en apprentissage, à l’aide de mesures à disposition à l’interne du CMFP (bilan d’orientation et d’aptitudes, rédaction de CV et lettres de motivation, soutien à la recherche de stages, cours de remise à niveau scolaire, répétiteurs) ou à l’externe (SEMO, préapprentissage, soutien psychosocial…).
Ce travail d’accompagnement peut se dérouler sur plusieurs mois (voire années). Il s’effectue au moyen d’entretiens réguliers avec les jeunes et leur réseau et de fréquentes relances en cas d’absence aux rendez-vous manqués. Le projet du jeune est ajusté en permanence, en tenant compte des problématiques apparaissant au cours du temps ou révélées lors des stages effectués. Un important travail d’encouragement et de médiation avec le jeune et ses parents permet de surmonter les moments de crise où l’envie d’abandonner est forte.
Accompagnement par des coachs dans la deuxième phase
Dans un deuxième temps, une fois que les jeunes ont intégré un apprentissage, les coachs de l’OFIJ les accompagnent pour répondre aux exigences de la formation professionnelle. Ils rencontrent les jeunes de manière intensive à raison d’une fois par semaine environ et abordent avec eux tous les obstacles au bon déroulement de l’apprentissage. Il peut s’agir de difficultés scolaires, relationnelles ou comportementales, ainsi que d’évènements de vie qui viennent bousculer le jeune dans ses repères habituels.
Les coachs entretiennent également des contacts étroits avec les formateurs et les entreprises, et interviennent fréquemment sur le lieu d’apprentissage. L’objectif final est atteint quand l’apprenti-e obtient un diplôme de type CFC ou AFP.
Le public cible
Les jeunes qui peuvent être suivi-e-s par l’OFIJ sont âgé-e-s de 13 à 35 ans et présentent des difficultés multiples. Les personnes doivent viser la recherche ou la réussite d’une formation professionnelle (et non d’un emploi) et présenter un état de santé permettant d’envisager une entrée en formation.
Depuis 2015, l’OFIJ intervient également, sur demande des directions des écoles obligatoires, auprès des élèves de 10H et 11H, afin de soutenir les jeunes dont la transition directe vers le niveau postobligatoire risque de s’avérer compliquée pour diverses raisons. Cette mesure, nommée intervention précoce, est en train d’être renforcée grâce au renforcement de la collaboration avec l’Office de l’Assurance-Invalidité.
Les inscriptions des jeunes parviennent au CMFP par plusieurs biais : les jeunes eux-mêmes, leurs parents et familles ou les divers partenaires du réseau social, comme par exemple les foyers, la protection de l’enfance, les services sociaux régionaux ou les écoles…
Un changement de paradigme
Malgré le dispositif mentionné ci-dessus, l’identification des jeunes en décrochage comportait certaines lacunes. Fort de ce constat mis en lumière par les conséquences de la pandémie de COVID-19, de nouvelles mesures portées par l’OFIJ et l’OCOSP ont été mises en place en 2020, il s’agit des mentorings. Elles permettent d’identifier et de proposer systématiquement un soutien aux personnes se retrouvant en décrochage. Concrètement, chaque jeune quittant l’école obligatoire ou une année de préapprentissage sans solution est signalé à l’OFIJ ou à l’OCOSP et un contact (par téléphone, WhatsApp, courriel et courrier postal) est initié par un-e professionnel-le pour proposer un accompagnement spécifique. Il en est de même pour les personnes ayant vécu une rupture de contrat d’apprentissage. Il s’agit d’un véritable changement de paradigme. L’État adopte de la sorte une posture proactive pour contacter les jeunes à différents moments « à risque » d’amener à un décrochage, alors que jusque-là il appartenait aux jeunes et à leur réseau personnel ou professionnel de s’annoncer. Une fois le contact établi, les jeunes et leur famille décident s’ils souhaitent un accompagnement par le CMFP ou pas. Le principe de libre adhésion est donc respecté. Les observations ont permis de montrer que la part des personnes refusant un suivi est très faible, de l’ordre de 1 personne sur 8 seulement, ce qui est plutôt satisfaisant.
Vers un nouveau dispositif d’insertion pour les jeunes
Le nouveau dispositif d’insertion pour les jeunes, encore en construction, vise une efficience encore meilleure pour les jeunes de 15 à 25 ans dans le canton de Neuchâtel. Il bénéficie d’un fort soutien de la part des autorités politiques et des entités concernées de l’administration cantonale.
Il a fallu pour cela répondre à deux défis principaux, celui de la généralisation de la détection des jeunes en (risque de) décrochage et celui de la coordination globale des structures existantes, proposant tous des mesures spécifiques pour les jeunes, mais entre lesquelles les liens semblent encore devoir être consolidés.
Le dispositif prévoit la création d’une entité d’accueil et d’aiguillage, qui constituera une porte d’entrée unique vers laquelle seront dirigé-e-s toutes et tous les jeunes de 15 à 25 ans en rupture et sans formation certifiante préalable.
Les jeunes auront accès à cette porte d’entrée unique par une inscription individuelle à l’aide d’un formulaire en ligne, ou par un signalement des partenaires sous la forme des mentorings mentionnés plus haut. Un aspect fondamental est que toute personne quittant une mesure du dispositif sans solution sera aussi signalée pour une (re)prise de contact rapide de la part de l’entité d’accueil et d’aiguillage, afin d’éviter au maximum que des jeunes se retrouvent en décrochage trop longtemps. Ce « retour » systématique des jeunes à l’entité d’aiguillage semble présenter une plus-value importante pour éviter que ceux-ci ne se retrouvent en décrochage.
Cette entité sera rattachée à l’OFIJ et réunira, en plus des personnes de l’OCOSP et de l’ODAS, des professionnel-le-s du Service de l’emploi et du Service de l’action sociale. Il reviendra à cette équipe pluridisciplinaire de recevoir les nouvelles inscriptions, d’accueillir chaque jeune, puis de l’orienter vers la mesure la plus appropriée pour lui. Il y a là aussi un passage fondamental vers un nouveau paradigme. À une logique d’octroi des mesures basée sur le statut ou l’appartenance à une entité (chômage, aide sociale, formation professionnelle) succède une logique basée sur les besoins des jeunes.
D’autres partenaires pourront être intégrées à l’entité au gré des situations et sous diverses formes (tables rondes p. ex.). Il est question des entités en charge de la migration et de l’intégration, de l’enseignement obligatoire, de la protection de l’adulte et de la jeunesse et de l’assurance invalidité. Cette manière de faire va demander de développer de nouvelles collaborations interinstitutionnelles permettant de faire fructifier au mieux les compétences issues des différentes entités partenaires.
Pour assurer ce passage vers une logique centrée sur les besoins des jeunes, les processus entre les entités devront être formalisés, ce qui n’est qu’en partie le cas à ce jour. De nombreuses initiatives sont prises de part et d’autre mais sans systématique et encore trop dépendantes du bon vouloir des acteurs et actrices de terrain.
La réflexion sur ce dispositif se nourrit des expériences d’autres cantons romands tels que Fribourg, Berne francophone et Genève et du « Guide de développement des systèmes cantonaux de transition école-formation-marché du travail » édité par la Plateforme nationale contre la pauvreté, qui constitue une ressource particulièrement précieuse pour organiser l’accompagnement des jeunes en difficultés multiples.
S'adresser aux jeunes dans leur langue
De nombreux défis restent à relever pour toucher les jeunes concerné-e-s. L’accès aux prestations doit être encore facilité, avec des démarches administratives simplifiées et une visibilité accrue du nouveau dispositif. Il s’agit de s’adresser aux jeunes avec leur langage et d’aller les chercher là où ils se trouvent, en réfléchissant à un accès bas seuil, sans exigences élevées.
Ce nouveau dispositif permettra également de mieux monitorer, par la centralisation de l’annonce des situations, le parcours des jeunes en décrochage et de pouvoir mieux identifier les éventuelles améliorations à apporter au dispositif.
L’enjeu de ce nouveau dispositif est d’importance pour le canton de Neuchâtel, son économie et surtout ses jeunes citoyen-ne-s. Rappelons encore une fois que la formation constitue un préalable de plus en plus essentiel à une entrée réussie dans une vie professionnelle active. Elle diminue à la fois le risque de marginalisation mais également de perte d’emploi à moyen et long terme.
Les mesures d’amélioration présentées renforceront la lutte contre la pauvreté et devraient entraîner une baisse du recours aux prestations sociales. Au-delà de ces aspects structurels, elles devraient surtout offrir aux jeunes citoyen-ne-s du canton les meilleures chances d’obtenir un titre de formation et, in fine, d’intégrer durablement le marché de l’emploi. L’enjeu de ces prochains mois résidera donc dans l’opérationnalisation de ce dispositif, qui entraînera la concrétisation d’une véritable politique coordonnée incluant l’ensemble des acteurs et actrices concerné-e-s par l’insertion des jeunes.