Centre d’hébergement protégé pour jeunes adultes
Depuis mai 2022, Berne possède un centre d'hébergement d'urgence pour adolescents et jeunes adultes. Après Nemo à Zurich, Pluto est aujourd’hui le deuxième abri nocturne réservé aux jeunes en Suisse. Les chiffres d'occupation sont alarmants. L'équipe de Pluto s’est très vite spécialisée dans la recherche de solutions (de logement) pour ce groupe cible.
Dans le quartier de l'Äussere Enge à Berne, en plein virage de la Studerstrasse, se dresse une maison grise et sobre de deux étages aux cadres de fenêtres blancs. Sous le numéro 44, on peut lire «pluto» en lettres minuscules. Malgré l'autoroute et le chantier de construction à proximité immédiate, le silence règne autour du bâtiment. Une jeune femme aux longs cheveux blonds et au regard vif ouvre la porte. Un panneau à l’entrée accueille les visiteurs dans différentes langues, tandis que plusieurs visages apposés sur un tableau vous toisent avec confiance. Quelque part, une machine à laver tourne. Nicole Maassen vient de terminer le ménage, l'étudiante en master de travail social de 27 ans a assuré le service de nuit au centre d'hébergement d'urgence pour adolescents et jeunes adultes à Berne. Comme presque toutes les nuits depuis son ouverture en mai 2022, celui-ci affichait complet.
Un chez-soi pour la nuit
La maison dispose de sept places de couchage, réparties dans quatre chambres sobres et lumineuses. Les lits confortables, ainsi que tout l'ameublement ont été offerts par un magasin de meubles suédois. Juste à l'entrée se trouve le bureau, avec un canapé-lit pour l'un des deux collaborateurs toujours présents sur place, dont un professionnel du travail social. La deuxième personne peut dormir dans la partie arrière de la maison. Une chambre individuelle se situe en face du bureau.
« Elle est réservée aux plus vulnérables », explique Nici. Les jeunes qui restent plusieurs nuits au Pluto peuvent entreposer leurs draps et quelques effets personnels dans des casiers verrouillables. Au rez-de-chaussée, il y a deux salles d'eau. À l'étage supérieur se trouvent d'autres chambres à coucher, une salle de bain, une salle de séjour, une cuisine et une salle à manger. Tous les jours, les huit membres de l'équipe Pluto se chargent ensemble du rangement et du nettoyage des lieux. Le
« vestiaire » au sous-sol propose un grand choix de vêtements et de chaussures d'occasion, car de nombreux jeunes arrivent les mains vides. « Nous veillons à ce que les habits soient de bonne qualité, afin que nos hôtes se sentent bien », précise Nici.
En plus de l’hébergement, les jeunes âgés entre 14 et 23 ans se voient offrir un repas chaud le soir et un petit-déjeuner le matin, avant de devoir quitter la maison. Le centre d'hébergement d'urgence est ouvert de 18h00 à 9h00 la semaine et jusqu'à 10h00 le week-end. Les collaborateurs de Pluto veillent à proposer une alimentation équilibrée, « mais il y a rarement de la viande ou des produits de substitution végétariens ou végétaliens, c'est tout simplement trop cher », souligne Nici. L'association reçoit parfois des dons du deuxième maillon de la chaîne alimentaire. Autre particularité : Pluto fournit de la nourriture aux animaux de compagnie, qui sont les bienvenus pour passer la nuit.
Forte demande pour un logement protégé
« Souvent, il y a plus de demandes que de lits disponibles », explique Matthias Gfeller, membre fondateur et membre du comité de l'association Rêves sûrs, qui gère le centre d'hébergement d'urgence sous forme de projet-pilote. « Une pression énorme pour nos collaborateurs qui doivent décider rapidement qui peut rester ou non. » Les décisions dépendent de la vulnérabilité et de l'âge, les plus jeunes ayant le plus grand besoin de protection. Nici confirme que l’équipe prend toujours une décision consensuelle et s’emploie à trouver une solution d’hébergement alternative pour les jeunes qui ne peuvent pas rester. « Heureusement, nous n'avons pas eu à prendre ce genre de décision souvent », confie Nici, visiblement soulagée. Les quelque 1’200 nuitées enregistrées au cours du premier semestre d’exploitation témoignent de l'importance de l'offre.
Le centre d'hébergement d'urgence est aisément accessible via Instagram, TikTok, Snapchat, WhatsApp ou simplement par téléphone, « mais il n'est pas possible de réserver à l'avance », précisent Nici et Mätthu. L'élément-clé reste la démarche volontaire, car personne ne peut être contraint d’y passer la nuit. Pluto est un espace protégé et un lieu de retraite, ce qui signifie que les autorités, les parents et même la police ne peuvent pas se présenter sans prévenir, à moins que cela n’ait été convenu au préalable. Pour les mineurs, il existe une obligation d’aviser que l’équipe de Pluto respecte toujours en accord avec les jeunes hôtes. Nous travaillons de manière transparente et amenons, dans la plupart des cas, toutes les parties concernées à approuver le séjour chez Pluto. En collaboration avec les titulaires de l'autorité parentale ou l'APEA, nous essayons de détendre la situation – souvent complexe – et de donner de l'air à toutes les personnes impliquées pour trouver une bonne solution. En cas de mise en danger aiguë d’une personne mineure, il est possible d’obtenir un retrait superprovisoire du droit de déterminer le lieu de résidence auprès de l’APEA.
La communication, un élément-clé
La défense des droits des jeunes est une priorité absolue pour Nici : « Je m'engage pour eux, je ne les juge pas. » Les collaborateurs écoutent, conseillent et interagissent avec les jeunes sur un pied d’égalité, ils s'immergent dans leur monde et sont heureux de ne pas devoir imposer de mesures ordonnées par les autorités. « L’équipe du conseil social est donc fréquemment sollicitée », déclare Nici. Souvent, les jeunes choisissent délibérément une personne de référence, ce que les collaborateurs de Pluto acceptent volontiers. À cette occasion, ils peuvent également partager leur propre vécu. Il s'avère utile d’évoquer les expériences mutuelles, les travailleurs sociaux ne sont ainsi pas assimilés à des surhommes, mais considérés comme des personnes à part entière. « Nous n'avons pas d'attentes vis-à-vis des jeunes, ce qui nous permet de les aborder sans préjugés et avec bienveillance », explique Nici. Mätthu souligne l'importance de la communication avec les jeunes. Ceux-ci éprouvent cependant des difficultés à se confier, sachant que leur interlocuteur devra peut-être leur imposer des sanctions. « Ils préfèrent ne rien dire », confirme Mätthu, se référant à son expérience quotidienne d’animateur socioculturel dans un établissement sociopédagogique. Les institutions doivent donc réfléchir à cette problématique afin de l’accepter et idéalement d’y remédier.
Pluto apporte son aide en cas de pénurie des ressources
Le conseil social interne se concentre sur les offres d’hébergement ultérieures, en particulier sur le logement accompagné et protégé. La plupart des usagères et usagers n'ont pas d'emploi, car le sans-abrisme laisse peu de marge de manœuvre. La charge de travail souvent très élevée au sein des services sociaux ne permet pas toujours de s'intéresser de plus près aux histoires de vie des jeunes qui remarquent rapidement si leur conseiller est stressé. En raison du manque de ressources ou de temps, certains services sociaux sollicitent parfois de l’aide et réfèrent des jeunes à Pluto. Nici et ses collègues établissent alors une relation de confiance et cherchent des solutions durables avec eux. Pluto facture cette prestation au service référent. « Il faut connaître les offres. Entre-temps, nous avons créé nos propres listes et les institutions nous appellent même lorsqu'elles ont des places vacantes, ce que nous apprécions beaucoup », explique Nici. Grâce à leur travail avec les jeunes, Mätthu et elle savent qu'il est souvent trop compliqué de recourir à certaines prestations. Même le simple fait de remplir une demande est parfois si complexe qu’il s’agit d’un trop gros obstacle pour les personnes non initiées.
Fidélité du personnel, malgré une forte implication personnelle
Mätthu est très fier qu’il n’y ait eu qu’un seul changement au sein de l'équipe d'encadrement de pluto à ce jour. Cette constance est un grand avantage pour nos jeunes protégés. « Il arrive souvent qu’ils attendent la présence d’une personne spécifique pour parler », confie Nici. Les collaborateurs peuvent ainsi assurer un travail relationnel de grande importance. Cependant, les horaires de travail irréguliers, ainsi que les services de nuit et de week-end ont des répercussions sur la vie sociale du personnel. L’impact d’un rythme de sommeil irrégulier est encore plus difficile à gérer. « Il ne faut pas sous-estimer ces charges supplémentaires », prévient Mätthu, « ni la pénurie de ressources », ajoute Nici. Elle souhaiterait davantage de collaborateurs pour le conseil social. Il serait en effet formidable si l'association pouvait engager deux personnes supplémentaires pour dispenser des conseils la journée, « mais nous n’avons actuellement pas les ressources financières nécessaires », constate Mätthu. Personnellement, il a du mal à congédier les jeunes chaque matin à 9h00, même si leur sécurité est garantie la nuit. « Beaucoup n'ont ainsi pas vraiment la possibilité de s’extraire de leurs cercles. L’espace protégé prend fin chaque jour. » Il faut davantage de solutions de suivi, le grand problème étant d’orienter les jeunes vers d'autres lieux sécurisés.
Le projet-pilote dure jusqu’en 2025
Le bâtiment de la Studerstrasse appartient à la ville de Berne, mais l’abri d'urgence est également sollicité par des jeunes vivant à l'extérieur de la ville et du canton. Une réalité qui pourrait à nouveau soulever des questions politiques en ce qui concerne le financement, « actuellement, la situation est clarifiée, mais la décision finale n'a pas encore été prise. En effet, le bail doit être renouvelé en 2025, car Pluto ne dispose pas d'un contrat de prestations ». La FHNW assure l’accompagnement et l’évaluation scientifiques du projet-pilote pendant toute la phase-pilote. Bien que le financement des trois années ne soit pas encore entièrement sécurisé, le comité reste toutefois optimiste. Le taux d'occupation élevé parle de lui-même et l'association reste confiante quant à l’idée que le centre d’hébergement d'urgence perdurera par-delà 2025.
Association « Rêves sûrs – sichere Träume »
L'association a été créée en 2020 par différents professionnels de l'aide à la jeunesse et aux sans-abri. Lors de différentes réunions de réseautage, ils ont constaté que les jeunes ne voulaient pas quitter les centres de jeunesse après leur fermeture pour rentrer chez eux. Par ailleurs, les spécialistes de l'aide aux sans-abri ont rencontré à plusieurs reprises des jeunes qui, en raison de leur âge, ne pouvaient pas profiter de places de couchage sûres. L'association s’est mis pour objectif de remédier aux conditions de logement précaires chez les jeunes, de leur offrir une prise en charge à bas seuil et de défendre leurs droits. Le comité est composé de neuf membres, qui travaillent tous bénévolement pour l'association en plus de leur activité quotidienne.
Le centre d'hébergement d'urgence Pluto est le premier projet-pilote de l'association. Il est financé par des fonds de différentes fondations, des fonds ecclésiastiques, ainsi que des dons de particuliers et d'entreprises. Lorsque les bénéficiaires sont affiliés à un service social ou à une instance similaire, l’équipe essaie d'obtenir une garantie de prise en charge des frais. Quant aux jeunes, ils ne sont pas mis à contribution. Pour de plus amples informations sur l’association : sichere-traeume.ch et sur le centre d’hébergement d’urgence : pluto-bern.ch.